l'art urbain pour réinventer la ville #2
celles qui me suivent depuis un certain temps savent combien j'aime arpenter les musées, les expositions et fréquenter les lieux chargés d'histoire
mais je ne m'étais jamais trop frottée à l'art urbain...
alors, peut-être que j'ouvre les yeux de façon différente ici, mais j'apprends à aimer le street art
il faut dire qu'à joburg, comme sur la scène new-yorkaise plus connue, le graffiti est un art à part entière, avec ses règles et ses codes
profane que je suis, j'associais l'art du graffiti à un contexte urbain, à des immeubles désaffectés ou des cours d'immeubles bétonnées et abandonnées...
et bien, j'ai vu ce lundi comment les graffeurs ont su exprimer leur talent dans un quartier de joburg qui a connu dans sa chair les blessures de l'apartheid
westdene était autrefois appelé sofiatown...
ce quartier populaire a été minutieusement et totalement détruit par le régime de l'apartheid qui a repoussé la population noire vers le quartier plus éloigné de soweto
aujourd'hui, westdene a pansé ses plaies
en grande partie grâce à la municipalité qui a décidé de redéfinir la métropole de johannesburg (plus de 1600 km2 soit près de 16 fois la superficie de Paris intra muros), tant sur le plan administratif et économique, que dans sa dimension sociale et symbolique
pour (re)composer l’espace urbain et modifier la relation du public avec sa ville, les pouvoirs publics ont adopté en 2007 une politique d’art public (public art policy) dont le but était de financer l’installation d’œuvres d’art, et de positionner joburg sur la scène mondiale, en tant que métropole culturelle
retour en arrière
il faut savoir que l’actuelle capitale sud-africaine se divisait pendant l’apartheid en 11 autorités locales autonomes dont 7 blanches et 4 noires, coloured et indiennes (selon les catégories alors employées par le régime...)
l’unification progressive de la métropole a conduit à la constitution, non sans mal, en 2000, d’une structure métropolitaine unique, emblématiquement dénommée unicity
la nouvelle entité a commencé à élaborer un plan d’actions cohérent visant à gommer les inégalités socio-géographiques, en conjuguant croissance économique et lutte contre la pauvreté
partant d'abord du postulat que la ségrégation nuisait à l’attractivité urbaine, l’art public a alors été présenté comme «un catalyseur de développement économique» ; en redorant l’image de la ville marquée par 50 ans de politiques ségrégatives et connue dans le monde pour être une ville inégalitaire et dangereuse, la municipalité rendait joburg à nouveau attractive pour les investisseurs et les touristes
ensuite, cette politique visait clairement un retour à une cohésion sociale : retrouver un certain sens du vivre-ensemble...
l'art considéré comme un moyen de réappropriation des espaces publics pouvait ainsi participer au processus de sécurisation des dits-espaces : les oeuvres devenaient des "symboles communs" contribuant à la fierté civique (sentiment d’appartenance à une seule et même ville) et concourraient à forger une identité positive de la ville
il y a 10 ans, symboliquement, la politique d'art public s'est d'abord focalisée sur le CBD (central business district), ancien cœur économique frappé par un processus de déclin (déserté par la population blanche à la fin des années 1970)
la stratégie de régénération urbaine a ensuite été étendue aux quartiers limitrophes du coeur de la ville
westdene est le reflet de cette dynamique métropolitaine qui vise à construire concrètement l’unité de Johannesburg sur l’ensemble du territoire
westdene pourrait faire penser à une plaisante banlieue middle class des états-unis, dans les sixties
il est très agréable de poser ses pas dans ses larges allées très arborées, où les propriétaires offrent aux talents de s'exprimer sur leurs murs
d'une simple écriture savamment composée comme une oeuvre graphique ou de dessins beaucoup plus élaborés (dont la réalisation la plus accomplie est d'ailleurs appelée master pieces)
je vous invite à me suivre en images